Le travail du geste
Depuis
plusieurs années, je filme des gestes au travail, une vingtaine de «
portraits-gestuels » sont à ce jour réalisés. Ce collectage des gestes
au travail est en lien avec la nature de mes spectacles.
En
1987, j'ai appris la Langue des Signes Française, parole inscrite à
même le corps. Au fil des créations, un processus d'écriture
chorégraphique s'est mis en place, une forme d'alphabet gestuel
permettant d’explorer les résonances entre texte et danse. C'est riche
de cette expérience, à la frontière de la langue parlée et de la
calligraphie visuelle, que j'aborde le geste dans le travail.
Aujourd'hui comme hier, les métiers qui fabriquent, produisent,
classent ou soignent… nécessitent des gestes précis qui sont des
creusets d'humanité, des micro-histoires autant individuelles que
collectives. Ils témoignent d’une activité humaine qui met en jeu à la
fois une technique, une reconnaissance sociale et une valeur marchande.
Ils sont une connaissance mise en forme, en forme de mains, un acte qui
est en lui-même le récipient d'une pensée, d'un savoir-faire… et que
l'expérience va faire briller. Ainsi, j'ai demandé à des travailleurs
(artisans, soignants, pilotes d’avions…) de faire à blanc le geste qui
leur est familier… c'est-à-dire sans le support de l'outil, ni celui de
la matière. Effectué à blanc, lorsqu'il s'affranchit du travail pour
lequel il est fait, le geste révèle des moments suspendus d'harmonie
surgis de la conscience spontanée et immédiate de la personne au
travail. Dépouillé de ses appuis extérieurs, il pointe le processus
dynamique et l'action imaginative dans lesquels la vie se reflète pour
créer. Il mobilise mémoire, sensation, intention, intuition, vécu,
expérience, confiance, conscience, liberté, créativité... c'est cette
part d'intériorisation, appelée dans tout acte créateur, qui émeut dans
le geste du métier, lui donne sa beauté et fait apparaître son lien
avec le geste dansé.
À la manière d’un archéologue qui creuse le sol, enlève la terre,
gratte les poussières... j’ai regardé les gestes au travail se dessiner
dans l’air, se calligraphier dans l’espace pour voir se déployer
librement leur évocation émotionnelle... pour en révéler la danse.
Pascale Houbin, février 2009
Réalisations :
Installation vidéo Aujourd'hui à deux mains >
Films réalisés >
Films en cours >